Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

samedi 10 décembre 2011

Claude Lorrain, Port de mer avec l’embarquement de sainte Ursule

            Les chefs-d’œuvre de Claude Lorrain sont ses ports solennels où la nature, la culture, et l’histoire sont glorifiés par le soleil qui, levant ou couchant peu importe, révèle leur essence profonde. Voici donc justement Le port de mer avec l’embarquement de sainte Ursule. La sainte, ayant achevé son pèlerinage dans la Ville Éternelle, s’embarque à Ostie. Tenant un étendard blanc frappé d’une croix rouge  - celui du Christ  -, et entourée de ses proches compagnes, elle laisse passer devant elle la procession des vierges qui vont l’accompagner en Germanie, et qui la suivront jusque dans le martyre. Le cortège sort d’une chapelle qui n’est autre que le célèbre Tempietto de Bramante (Donato d’Angelo, 1444 – 1514), prototype du premier classicisme de la Renaissance à Rome[1]. D’autres édifices s’étagent dans l’axe de gauche, jusqu’à un palais qui évoque la Villa Médicis[2], puis un phare surmonté d’une statue. De l’autre côté, les mâts et les proues de trois bateaux, un arbre majestueux, la silhouette enfin de la forteresse qui protège l’accès du port, se découpent presque en zigzag, mais leur ensemble contribue à dessiner les deux diagonales à l’intérieur desquelles le peintre a inscrit toute la composition. À l’intersection de ces lignes s’élève le vaisseau au bord duquel Ursule et ses compagnes vont prendre place, et, légèrement au-dessus et à gauche, resplendit le soleil.
            Si, comme nous le pensons, l’astre du jour symbolise, dans les œuvres majeures de Claude, Dieu lui-même, le sens du tableau s’éclaire. Au premier plan, les ouvriers portuaires s’affairent, plongés dans leur tâche quotidienne, indifférents  - mais pas tout à fait – à la scène et au Créateur, car ils sont les plus éloignés du soleil. Ursule, vêtue d’une robe mordorée, c’est-à-dire solaire, s’en rapproche, ainsi que ses compagnes, qui sont en bleu – le ciel – ou en rouge – le martyre prochain ; c’est aussi pourquoi leurs visages sont empreints de noblesse. Enfin, le vaisseau se dresse entre le plan central et l’horizon, ou plutôt entre les splendeurs de la civilisation et le soleil, puisque Ursule, en montant à bord, va quitter les premières, et s’apprêter à rencontrer le second – Dieu – pour toujours. Pourquoi, alors, les critiques d’art vont-ils sans cesse répétant que le sujet, chez le grand Lorrain, n’est qu’un prétexte ? Toujours, dans ses grandes œuvres, il y a cet étagement des plans qui s’échelonnent du quotidien à un sacré de type solaire, en passant par le noble ou l’héroïque[3].

Claude Lorrain, Port de mer avec l'embarquement de sainte Ursule, 1647.
Londres, National Gallery.


Vous trouverez ici la liste des tableaux et des dessins de Claude Lorrain que nous avons présentés sur ce blog, et que nous avons disposée selon l’ordre chronologique de la vie du peintre :
http://participans.blogspot.fr/2012/07/regards-sur-quarante-tableaux-ou.html

[1]  http://img71.xooimage.com/views/b/4/4/bramante-tempietto-rome.-2f87b63.jpg/
[2] http://img69.xooimage.com/files/b/8/9/villa-m-dcis-rome.-2f876b8.jpg


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